Entretien avec Véronique Costa - metteur en scène

Publié le par planchescourbesetplanchesaclous-liens

Interview de la metteur en scène Véronique Costa par planches courbes et planches à clous dans le cadre de sa   mise en scène des Bonnes de Jean Genet au Théâtre Tremplin du OFF d'Avignon 

 

Est-ce la première fois que vous venez au Festival d’Avignon ? Que pensez-vous de la qualité du Festival concernant son ouverture aux arts du spectacle, en contradiction avec le désir de Jean Vilar de rester concentrer sur le théâtre ?


 C’est la première fois que je viens pour produire un spectacle. Je suis déjà venue soutenir des amis, mais pas une pièce. Je ne porte pas de jugement là-dessus parce qu’il y a des jours où l’on a envie de voir des choses dramatiques et, d’autres jours, du comique et que nous n’avons pas tous la chance d’avoir un bagage culturel donné par les parents ou un professeur. Je trouve cela déjà très bien que des gens viennent au Festival d’Avignon ; autant qu’ils y trouvent leur satisfaction. On ne sait jamais comment se construisent les chemins culturels. On peut aller voir une pièce, qui en conduit à une autre, puis à une autre… L’éducation peut se faire par tous les biais, à partir du moment où il y a de la qualité. Je trouve qu’il y a une forme d’élitisme en matière théâtrale, qui malheureusement, coupe certaines personnes, crée des barrières mentales. Aujourd’hui, toutes les compagnies ont un gros travail à faire pour replacer le théâtre au cœur de la cité, au cœur des gens, afin de leur montrer qu’ils ont leur place. Je pense la même chose de la littérature.


Pourquoi avoir choisi de travailler sur Jean Genet et, plus particulièrement, de monter Les Bonnes ?

J’ai la chance de travailler avec le Théâtre de la Ville de Clichy-La-Garenne et la directrice m’a passé la commande pour le centenaire de la naissance de Jean Genet. Cela tombait très bien car j’aime cette pièce et lorsque j’étais comédienne, j’ai joué le rôle de Solange.

 

Qu’avez-vous souhaité extirper du texte, mettre le plus en valeur ? 


Il y a plusieurs choses qui m’ont intéressée. La première, c’est de rendre ce texte audible car il est très difficile. Nous l’avons énormément décrypté, analysé pour qu’il soit accessible à tout le monde, ce qui était le but de la commande. Cela m’a beaucoup plu d’aller fouiller ce texte. Mon second travail a été de dire : ce texte est porteur d’une grande poésie ; comment puis-je traduire ça ? Je l’ai donc fait avec des images, en essayant de respecter le rythme du texte et la musicalité. L’autre aspect, qui m’a beaucoup intéressé, est la beauté, parce que c’est le mot qui revient le plus souvent « belle », « beauté ». En lisant ses livres, on découvre que Jean Genet a toujours essayé, dans le plus glauque, le plus malsain, d’extraire la beauté. C’est ce que j’ai voulu rendre. J’ai trouvé que le rapport dominant-dominé était très posé. Pour cela, je me suis laissée porter par le texte ; pas besoin d’en rajouter. J’ai, quand même, mis le rapport incestueux des sœurs un peu en avant parce que, lorsque j’ai lu le compte-rendu des Sœurs Papin, cela m’a semblé évident. Jean Genet était homosexuel ; j’ai, aussi, voulu véhiculer la sexualité qui, pour les homosexuels, a beaucoup d’importance.


Dans ce décor réaliste, à l’opposé de celui de Jacques Vincey composé d'un échaffaudage en fer et de quelques objets, au Théâtre de l’Athénée , vous avez souhaité mettre les objets en valeur. Pourquoi ? 


Il est réaliste, mais il est tordu, cauchemardesque. Il y a l’arbre à gants, le miroir sans teint et les ombres à la Tim Burton. J’ai vraiment essayé de tirer les ficelles de tout le texte. Je pense que les objets peuvent avoir une histoire et que tout ce que l’on met sur scène doit avoir une valeur symbolique. Cela m’intéressait, en rapport au conte, de les faire parler.



Le personnage de Madame est interprété par une comédienne assez jeune, alors que nous avons cette vision de la marâtre charmeuse de serpents. Est-ce un choix délibéré ?

On m’a beaucoup posé la question de la jeunesse et c’est vraiment un choix de ma part. Aujourd’hui, je trouve que, dans la psychanalyse, on fait un sort aux mères, qui n’est pas complètement faux, mais il me semblait que ce n’était pas le propos du texte. Justement, j’avais vraiment envie de casser ça et de partir sur l’idée du conte. Je voulais qu’elles aient le même âge car, pour moi, c’est un personnage en trois. Avec ce choix, je rappelle que c’est une question de condition sociale. Je ne voulais pas le rapport mère-fille, mais plutôt le rapport amour-haine, avec ce choix de la grande beauté de Madame. Je souhaitais qu’elles soient vraiment fascinées par Madame, qu’elles s’identifient à elle, justement, car elles sont à peu près du même âge.

 

Un grand merci à Véronique Costa pour cet entretien qui nous offre une vision de son paysage théâtral

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